Nécessité de la structuration des molécules de pigments
Vous avez découvert dans la section que l'activité photosynthétique pouvait être mesurée au travers de la mesure de la quantité d'oxygène émis au cours d'une illumination. Par ailleurs, vous vous rappelez les résultats des expériences d'Ingenhousz et Engelmann, à savoir que cette émission d'oxygène ne se déroule que dans les parties vertes des végétaux, c'est-à-dire celles qui contiennent de la chlorophylle. La présence de ces molécules constitue-t-elle une condition suffisante ? Pour le vérifier et le comprendre voici deux expériences :
Expérience 1 : Illumination d'une solution éthanolique de chlorophylle libre et mesure de la quantité d'oxygène émise
Expérience 2 : Illumination d'un échantillon de microalgues par une densité de flux de photons. Les vitesses d'émission de l'oxygène induit par l'illumination ainsi que la vitesse d'absorption des photons, sont mesurées. Expérience historique réalisée par le Dr EMERSON sur la microalgue verte Chlorella.
Questions :
Interprétez ces expériences et expliquez si d'après ces résultats, la présence de molécules de chlorophylle libre constitue une condition suffisante pour l'émission d'oxygène. Quelle(s) hypothèse(s) de fonctionnement proposeriez-vous ?
Réponses :
Dans l'expérience 1, aucune émission n'est enregistrée. Au contraire une consommation d'oxygène est observée car la présence de lumière induit l'oxydation des molécules de chlorophylle, ce qui les dégrade. C'est le phénomène de blanchiment. A l'issue de l'illumination, la solution de chlorophylle est nettement moins verte qu'au départ (Figure 19). La présence des molécules de chlorophylle constitue donc une condition nécessaire à l'émission d'oxygène mais elle n'est pas suffisante. Nous pouvons donc faire l'hypothèse que pour que le processus photosynthétique fonctionne, il est indispensable que les molécules de chlorophylles soient dans leur état naturel. Que cela signifie-t-il ? Nous allons le découvrir progressivement grâce à l'expérience 2.
Commençons par définir la notion de rendement quantique de la photosynthèse (Φ). Il s'agit du rapport entre le nombre de photons utilisés pour la photosynthèse et le nombre total de photons absorbés par l'échantillon. Par exemple, si A représente la vitesse d'émission d'oxygène (unité de A : nombre de molécules s-1) par un échantillon absorbant I photons par seconde, alors le rendement[1] quantique peut être calculé à l'aide de l'équation 1
L'unité de Φ est mole O2 (mole photon)-1. Mesurons maintenant la variation du rendement quantique de la photosynthèse en fonction de la densité de photons incidents. Pour ce faire, nous pouvons utiliser le dispositif expérimental présenté à la figure (Figure 23). L'expérience historique a été réalisée par le Dr EMERSON sur la microalgue verte Chlorella. Un échantillon de microalgues est illuminé par une densité de flux de photons. Les vitesses d'émission de l'oxygène induit par l'illumination ainsi que la vitesse d'absorption des photons, sont mesurées. L'opération est ensuite répétée autant de fois que nécessaire pour construire la courbe représentant la variation du rendement quantique de la photosynthèse en fonction de la vitesse d'absorption des photons (Figure 23B). Dans la pratique, c'est souvent le rendement quantique apparent qui est mesuré car la vitesse d'absorption des photons n'est pas mesurée. Seule la densité du flux de photons est considérée.
A partir de ces données et de la valeur de Φ, nous pouvons calculer le nombre de photons nécessaires à l'émission d'une molécule d'oxygène. En effet, l'inverse de Φ à cette dimension (Equation 2).
L'unité de Φ-1 est la mole de photons (mole O2)-1. Les valeurs les plus fréquemment trouvées varient entre 8-9. Ce résultat indique que l'émission d'une molécule d'oxygène nécessite l'absorption de 8 à 9 photons. Les travaux menés par Gaffron et Wohl dans les années 1930 ont montré qu'une même molécule de chlorophylle d'une plante illuminée par une lumière de faible intensité ne pouvait absorber un photon qu'une seule fois au cours d'une période de plusieurs minutes (Gaffron et Wohl 1936). Ceci suggère que les molécules de pigments responsables de la capture de la lumière pour la photosynthèse doivent être regroupées. Les expériences réalisées par Emerson et Arnold au cours de la même période ont permis de calculer que l'émission d'une molécule d'oxygène impliquait 2500 molécules de chlorophylles. Mettons en relation ce résultat avec celui de Gaffron et Wohl. Il est aisé de déduire qu'il faut environ 300 molécules de chlorophylle pour capter un photon. Ces pigments sont regroupés au sein d'une structure appelée l'antenne collectrice de l'énergie lumineuse (en anglais “Light Harvesting Complex” ou LHC) (Figure 24). Ces structures peuvent être isolées des membranes photosynthétiques pour être étudiées. Il sort du cadre de cette ressource de détailler la composition de l'antenne collectrice, il suffit de se rendre compte qu'elle contient des pigments associés à des protéines. Il existe deux types d'antenne collectrice de l'énergie lumineuse
l'antenne extramembranaire : se retrouve chez les algues rouges et certaines cyanobactéries en accompagnement d'une antenne intramembranaire de petite taille. L'antenne extramembranaire est désignée par le terme phycobilisome. Les pigments associés dans ce type d'antenne sont des tétrapyrroles ouverts (voir section 1.2.2.4.2.3). Les pigments sont liés aux protéines par des liaisons covalentes.
l'antenne intramembranaire : se retrouve chez tous les organismes photosynthétiques eucaryotes à l'exception des algues rouges. Ce type d'antenne contient des molécules de chlorophylle et de caroténoïdes. Les pigments ne sont pas liés de manière covalente aux protéines. Les dosages montrent que chez les plantes supérieures, l'antenne collectrice contient environ 300 molécules de chlorophylle (a+b) auxquelles s'ajoutent des caroténoïdes.
Le rôle de l'antenne collectrice de l'énergie lumineuse est d'absorber les photons et de les transmettre au centre réactionnel. Nous découvrirons en détail à quoi correspondent ces deux entités un peu plus tard. Pour l'instant, nous pouvons nous contenter d'admettre qu'un centre réactionnel est d'une structure composée de complexes protéines-pigments dont la fonction est de générer des électrons qui seront injectés dans la chaîne de transporteurs des électrons. D'une façon imagée, il s'agit d'un système (trap dans la figure 24) contenant de la chlorophylle a capable de piéger l'énergie de l'antenne. L'énergie est utilisée pour extraire un électron à un donneur d'électrons (D dans la figure 24) qui est donné à un accepteur d'électrons (A dans la figure 24).
Avant d'aller plus loin dans la découverte du fonctionnement de l'appareil photosynthétique, nous devons comprendre comment l'énergie absorbée se déplace d'une molécule de chlorophylle à une autre dans l'antenne collectrice de l'énergie lumineuse et ce jusqu'au centre réactionnel (Figure 19). Le mécanisme s'appelle le transfert d'énergie. Pour commencer, décrivons les acteurs: il nous en faut au moins deux à savoir un donneur et un accepteur. Appelons le donneur d'énergie, D, et l'accepteur, E (Figure 25A). S'il y a plus de deux participants, l'accepteur Ai peut servir à son tour de donneur (Di) et transférer l'énergie absorbée par D à un accepteur final (Af) (Figure 19B). Voyons comment le transfert d'énergie fonctionne. Si la molécule D se trouve seule en solution, l'excitation de D (Absorption D dans la figure 25C) sera rendue dans l'environnement, par exemple sous forme de fluorescence (Fuorescence D dans la figure 25C). L'introduction dans la solution contenant la molécule D de l'accepteur A va permettre le transfert si (1) le spectre d'absorbance de l'accepteur se trouve à plus grandes longueurs d'onde que le spectre d'émission de fluorescence du donneur. Cette condition doit être remplie car A ne sera capable d'absorber que de l'énergie correspondant à l'émission de fluorescence (Absorption A dans la figure 25C). La compatibilité entre A et D peut être estimée par la mesure de l'intégrale de recouvrement. Cette surface représente le recouvrement entre les spectres d'émission de fluorescence de D et d'absorbance de A;
(2) A et D doivent être très proches et
(3) bien orientés l'un par rapport à l'autre.
Dans ces conditions, l'énergie absorbée par D est transférée à A qui la dissipera. L'efficacité du transfert dépend des trois conditions énoncées ci-dessus.
Résumé et conclusions
La présence des molécules de chlorophylle constitue une condition nécessaire à l'émission du dioxygène mais elle n'est pas suffisante. Il est nécessaire qu'elles soient regroupées dans des structures. Les calculs indiquent que l'émission d'une molécule de dioxygène implique 2500 molécules de chlorophylles environ. D'autres calculs ont établi que l'émission d'une molécule de dioxygène nécessite l'absorption de 8 à 9 photons. Il est aisé de déduire de ces données qu'il faut environ 300 molécules de chlorophylle pour capter un photon. Ces groupes de pigments sont regroupés au sein d'une structure appelée l'antenne collectrice de l'énergie lumineuse. Elle est composée de pigments associés à des protéines. Deux types d'antenne collectrice de l'énergie lumineuse ont été identifiés : il s'agit de l'antenne extramembranaire et de l'antenne intramembranaire. Comme son nom l'indique, le rôle de l'antenne collectrice de l'énergie lumineuse est d'absorber les photons et de les transmettre au centre réactionnel. Le transport de l'énergie absorbée se fait par transfert.