Libération de neurotransmetteurs

La charge des vésicules de sécrétion impliquées dans la neurotransmission n'est pas toujours de nature protéique (c'est-à-dire produite dans le REr et modifiée dans le Golgi). Par exemple, dans le cas de l'acétylcholine, l'adrénaline, la noradrénaline, la dopamine, le glutamate, le GABA, la glycine, la sérotonine et l'histamine, il s'agit de petites molécules qui seront synthétisées dans le cytosol puis chargées dans les vésicules (synaptiques) de 40 nm de diamètre. Cependant, le Golgi intervient fortement en tant que pourvoyeur :

  1. de membrane,

  2. de machinerie de fusion,

  3. de pompe à protons (H+–ATPase type V, de 15 nm) qui met en place un gradient de protons et

  4. de transporteurs de neurotransmetteurs qui, dans la plupart des cas, utilisent le gradient de protons selon le mode antiport de transport. En effet, les vésicules synaptiques ont un pH d'environ 5,3 et la concentration des catécholamines qu'elles contiennent est estimée à 0,7 M (infiniment supérieure à leur concentration cytoplasmique qui est de l'ordre de la mM) (voir figure 10).

La membrane vésiculaire porte également la R–SNARE synaptobrévine (aussi appelée VAMP (vesicle associated membrane protein) et plusieurs GTPases Rab, dont Rab3A (la plus abondante) ainsi que Rab5 et Rab11. Elle porte aussi la complexine, protéine dont on pense qu'elle stabilise le complexe coiled-coil de SNAREs et la phosphatidylinositol 3–kinase, recrutée par Rab5 et pouvant jouer un rôle dans l'activation du complexe de fusion. Rab3A recrute la protéine MyRIP (myosine Rab–Interacting Protein), une protéine qui fixe la myosine et qui est impliquée dans le regroupement des vésicules à proximité de la membrane par ancrage aux filaments d'actine. Enfin, et de façon déterminante, la vésicule synaptique apporte les protéines sensibles au Ca2+, synaptotagmine 1a et 2a, nécessaires à l'exocytose Ca2+–dépendante (sécrétion contrôlée).

Figure 10. Formation des vésicules de neurotransmetteurs, exemple de l'acétylcholine Informations[1]

Une fois chargées, les vésicules synaptiques migrent vers une zone précise de la membrane plasmique que l'on appelle « zone active ». Les microtubules jouent un rôle dans le déplacement des vésicules et les filaments d'actine, surtout situés sous la membrane plasmique (actine corticale) participent au regroupement des vésicules. Certaines vésicules traversent la zone d'actine corticale et se lient à la membrane, phénomène nommé « arrimage », sans qu'il y ait forcément fusion immédiate.

La zone active de la synapse, aussi appelée « cytomatrice présynaptique », est une région riche en machinerie de fusion : on y trouve les Q–SNAREs (syntaxine–1A/B et SNAP–25, synaptosomal associated protein, de 25 kDa), Munc18, d'autres protéines non transmembranaires telles que Munc13, ERC1b et ERC2 (Elks/Rab3–interacting molecule/CAST), Rim1a/2a (Rab–interacting molecules) et les \(\alpha\)–liprines (\(\alpha\)1–4), l'ensemble pouvant être comparé à l'exocyste évoqué dans le paragraphe précédent (NB la plupart des protéines ne sont pas illustrées dans la figure 10 pour éviter une surcharge de l'image).

Munc18 est associé au domaine N–terminal de la syntaxine–1 mais son implication exacte dans le processus de fusion membranaire apparaît paradoxale : d'une part munc18 peut garder la syntaxine–1 dans un état replié sur elle-même (fermé), évitant ainsi sa séquestration dans la vésicule bourgeonnante (et donc la formation de complexes trans-SNAREs) mais d'autre part son absence chez la levure et la souris se traduit par un blocage total de la sécrétion.

Rim1a ou Rim2a agissent dans le processus de liaison à la zone active par leur interaction avec Rab3A (arrimage, voir ci-dessous). La protéine Munc13, liée à la zone active par Rim1a/2a, joue un rôle primordial dans l'activation de la syntaxine–1A/B (située sur la membrane de la vésicule). Dans la figure 9 et la figure 10, qui illustrent les événements de formation et de fusion de vésicules de sécrétion, nous ne montrons qu'une sélection de ces protéines.

RemarqueMuncs et uncs (Munc pour murine unc et unc pour uncoordinated)

Les gènes « unc » ont été mis en évidence dans des études de mutagenèse chez Caenorhabditis elegans (C. elegans), les mutants étaient affectés d'un déficit locomoteur profond. Dans le cas d'Unc18, il a été montré que le manque de coordination dans le mouvement était en relation avec une libération défectueuse de l'acétylcholine par les motoneurones.

Il existe toute une famille de protéines qui ressemblent à Sec1/Munc18 et que l'on nomme protéines SM, parmi lesquelles on trouve Munc18 et rSly1.

Pour la sécrétion contrôlée, on distingue deux étapes dans le processus de fusion : arrimage et fusion \(\rm Ca^{2+}\) -dépendante.

1. L'arrimage commence par la liaison entre Rab3A–GTP présent sur la vésicule, et Rim1a ou 2a, présent sur la zone active (voir figure 10). Il est suivi par le démantèlement des complexes cis-SNARE, par l'ATPase NSF (Sec18) associée à –SNAP (Sec17p), et la formation des complexes trans-SNARE, stabilisés par la complexine et par la synaptotagmine. L'ensemble se matérialise par la formation d'une protubérance de fusion, connue sous le nom de « fusion stalk ». Dans les synapses hippocampiques plus de 200 vésicules s'assemblent près de la membrane (à une distance de 2 um environ), 10 d'entre elles étant arrimées à la zone active (voir figure 11, et pour plus de détail sur la fusion membranaire).

Figure 11. Libération synaptique d'acétylcholine

Macromedia Flash - 213Ko

2. La fusion se réalise lorsque la concentration intracellulaire en Ca2+ libre passe de 0,15 \(\mu \)M à un minimum de 1\(\mu \)M grâce à l'ouverture de canaux calciques de type–L (voltage dépendants ou L–VDCC). Pour une zone active, 20 canaux– Ca2+ environ s'ouvrent et le signal dure 4 à 5 msec. La vitesse avec laquelle il déclenche la libération de neurotransmetteurs (moins de 0,4 msec) suggère que le Ca2+ ne fait qu'ouvrir le pore sans intervenir dans le processus d'arrimage.

Synaptotagmine, Ca2+ et l'ouverture du pore

L'ouverture du pore coïncide avec une translocation des domaines C2A et C2B de la synaptotagmine, les deux domaines de liaison du Ca2+, sur la membrane plasmique. La liaison de Ca2+ est partagée entre C2A et C2B et les têtes polaires de phosphatidyl–sérine (PS) du feuillet interne de la membrane présynaptique.

Après fusion, les vésicules sont « récupérées » de trois façons :

  1. « kiss-and-stay », le pore de fusion s'ouvre puis se ferme et la vésicule reste à la membrane,

  2. « kiss-and-run », le pore de fusion s'ouvre et se ferme, la vésicule se détache de la membrane puis s'arrime de nouveau (après avoir été éventuellement rechargée), et

  3. la vésicule est intégrée à la membrane et l'excès membranaire est récupéré sous forme d'une vésicule tapissée de clathrine, qui sera dirigée vers le réseau trans-golgien ( pour plus de détail sur le recyclage de la vésicule synaptique).

ComplémentExcursion : pore transitoire de fusion

Dans les synapses rapides, telles que celles présentes dans le muscle strié ou le cerveau, les neurotransmetteurs sont libérés grâce à des pores de fusion transitoirement ouverts et sans que les vésicules s'intègrent à la membrane présynaptique. La libération du neurotransmetteur s'avère être quantique, c'est-à-dire l'unité de libération (quantum) est constante dans le temps. Lorsqu'elles sont vides, les vésicules sont rechargées avec du neurotransmetteur récemment synthétisé dans le cytosol. Elles peuvent ainsi être réutilisées plusieurs fois sans se mélanger aux vésicules composant le pool de réserve. La nature moléculaire des pores de fusion n'est pas encore élucidée (lipides seuls ou associés à des protéines comme le segment transmembranaire de la H+–ATPase).

ComplémentExcursion : l'importance des différents composants dans le processus de la libération de neurotransmetteur

Les nombreux composants moléculaires du complexe de fusion ne semblent pas tous intervenir de façon indispensable dans la libération de neurotransmetteur comme le montre les expériences utilisant des souris transgéniques privées de certains gènes (knock-out mice). Par exemple, l'absence de Rab3A n'a pas d'effet notable, probablement parce que compensée par d'autres membres de la famille Rab. L'absence de Rim1a cause une déficience majeure dans la transmission synaptique démontrant ainsi que son intervention va bien au delà de la simple interaction qu'on lui connaît avec Rab3a. L'absence de complexine n'a pas d'effet délétère; celle de la synaptotagmine induit la perte de l'exocytose rapide sans gêner l'exocytose lente. La perte de synaptobrévine–2 (VAMP2) ou SNAP–25 se traduit par une réduction de 90% de la libération de neurotransmetteur et celle de Munc18 supprime complètement l'exocytose.

Pour en savoir plus, consultez les articles suivants : « SNARE complex synaps Brunger » [pdf] (551 Ko), « exocytosis synapse Sudhof review » [pdf] (1121 Ko), « Synapse, Galli » [pdf] (131 Ko), « fusion pore ATPase Morel » [pdf] (195 Ko).