5.4.2 - La phylogénie permet de reconstituer l'histoire des caractères

Supposons la phylogénie de la figure 5.54 établie.

figure 5.54 : phylogénie des ostéichtyens

L'étude du caractère "présence de glandes mammaires" permet de constater que seuls les mammifères (baleine et chauve-souris) en sont pourvus (fig. 5.55). Il devient alors possible, sur le principe de parcimonie, d'établir que ce caractère était absent chez l'ancêtre commun à toutes les OTU considérées (état initial). On en déduit donc que l'apparition des glandes mammaires (transition 0→1) s'est produite chez l'ancêtre exclusif des mammifères. On dit alors que :

  • la présence de glandes mammaires (caractère dérivé) est une apomorphie

  • l'absence de glandes mammaires (caractère ancestral) est une plésiomorphie

  • le partage par les mammifères de la même apomorphie (présence de glandes mammaires) est une synapomorphie

  • le partage par les autres espèces de la plésiomorphie (absence de glandes mammaires) est une symplésiomorphie

Figure 5.55 : histoire évolutive de l"apparition des glandes mammaires

Si l'on étudie un autre caractère comme la présence d'ailes (fig. 5-56), on remarque que le plus probable est l'absence d'ailes chez l'ancêtre commun aux OTU considérées (dans le cas contraire, il faudrait au moins 3 événements pour expliquer la situation actuelle). Il est alors impossible qu'un seul événement ait conduit à l'apparition des ailes chez les oiseaux et chez les chauves-souris. Ce nouveau caractère apparu de façon indépendante dans deux lignées évolutives différentes est qualifié comme nous l'avons déjà vu au chapitre 5.2.1.1 d'homoplasie.

figure 5.56 : histoire évolutive de l'apparition des ailes

ExempleHistoire évolutive de différents caractères chez les mammifères

L'analyse parallèle d'une phylogénie et d'une matrice de caractères (matrice taxons-caractères) permet d'identifier les apomorphies propres à certains groupes taxonomiques. Ainsi, dans la phylogénie des mammifères (fig. 5.57), si on considère les Monotremata comme groupe externe, l'état 1 des caractères 1 et 2 constitue une apomorphie dans le groupe des Theria.

figure 5.57 : histoire des caractères en fonction de la phylogénie établie

De même, les caractères 3 à 6 sont apomorphes dans le groupe des Eutheria. A noter que dans ce contexte, les caractères 1 et 2 sont plésiomorphes chez les Eutheria. Si l'on s'attache aux apomorphies, on peut également noter que les caractères :

  • 10 et 11 sont synapomorphes chez les Glires,

  • 12 et 13 sont synapomorphe chez les Metatheria

  • 15 est apomorphe chez les Paenungulata

  • 14 est apomorphe chez les Paenungulata et les Euungulata

  • 7 à 9 sont synapomorphes chez les Chiroptera et les Dermoptera

Il peut être noté que, compte tenu de la phylogénie présentée, les caractères 7 à 9 sont homoplasiques ; les caractères liée au vol sont apparus indépendamment, deux fois dans l'histoire évolutive des Boreoeutheria.

Notez également que les conclusions relatives à la polarisation des caractères 12 et 13 chez les Metatheria sont les mêmes que le groupe externe considéré soit les Monotremata ou les Theria.

Remarquez qu'il n'est pas utile de connaître la nature des caractères 1 à 15 pour cette interprétation. Celle-ci doit se faire sans a priori pour être la plus neutre possible. Si vous souhaitez connaître la nature des différents caractères, vous pouvez consulter le fichier suivant :

AttentionL'orientation des caractères peut dépendre des OTU considérées

Dans la classification restreinte des squamates présentée ci-dessous (fig. 5.58), le principe de parcimonie impose de considérer la présence de pattes comme une apomorphie. Le caractère "absence de pattes" est alors la forme ancestrale (plésiomorphie) et l'apparition de ces pattes aurait eu lieu dans la lignée spécifique du lézard de murailles (flèche rouge, fig. 5.58)

figure 5.58 : phylogénie réduite des squamates et histoire de la présence des pattes

Une phylogénie différente du même groupe, dans laquelle des OTU différentes auraient été choisies, conduirait à une conclusion totalement différente. On voit par exemple dans la figure 5.59 que l'absence de pattes doit être interprétée comme une apomorphie et que la forme ancestrale du caractère est la présence de pattes. La perte de ce caractère aurait eu lieu dans la lignée des serpents (flèche rouge, fig. 5.59).

figure 5.59 : phylogénie des squamates et histoire de la présence des pattes (2)

Cet exemple doit donc vous alerter sur l'importance du jeu de données utilisé en phylogénie pour une interprétation de l'histoire des caractères.