5.1.2.2.2 - Arbre des espèces / arbre des gènes

Figure 5.6 : L'histoire des gènes n'est pas toujours l'histoire des espèces

Les arbres phylogénétiques ont pour objet d'expliciter l'histoire évolutive d'unités taxonomiques. Par extension, elle s'applique à l'étude de l'histoire évolutive des gènes portés dans le génome de ces unités taxonomiques. Cependant, la phylogénie des gènes n'est pas le reflet strict de celle des organismes. Des événements mutationnels à l'échelle des génomes (duplications, transferts horizontaux ou perte différentielle de(s) copie(s) d'un gène entre différentes unités taxonomiques) peuvent brouiller le signal correspondant à l'histoire des organismes (fig. 5.6). Ainsi, un autre défi de l'analyse phylogénétique, basé sur l'analyse de données moléculaires, est de distinguer la part de l'évolution des espèces de l'histoire évolutive des gènes ou protéines considérés.

ExempleTransfert horizontal de gène : le 3e sexe du cloporte

Le cloporte commun Armadillidium vulgare (fig. 5.7), appartenant au clade des crustacés, présente un système de déterminisme sexuel gouverné par des chromosomes sexuels. Plus précisément, Armadillidium vulgare présente une hétérogamétie[1] lié à la femelle qui est ZW alors que les mâles sont homozygotes ZZ.

Figure 5.7 : Armadillidium vulgare

Dans certaines lignées de cloportes, il a cependant été observé des individus femelles qui présentent un génotype typique des mâles (ZZ). Le séquençage du génome nucléaire d'un individu femelle d'une telle lignée a permis d'isoler une portion du génome retrouvée exclusivement chez les individus femelles (confirmé par une analyse de pedigree). L'analyse phylogénétique de cette portion de génome révèle une proximité évolutive de cette séquence avec le super-groupe B des bactéries du genre Wolbachia [2]. Ainsi, la portion du génome de Armadillidium vulgare conférant un phénotype femelle dans cette lignée de cloporte partage un ancêtre commun récent avec une bactérie et ne présente aucune similitude avec un quelconque génome de crustacée. Dans cette lignée, le facteur de féminisation des individus (nommé « élément f ») est donc issu d'un transfert horizontal d'un fragment d'ADN depuis une bactérie du genre Wolbachia vers le génome de Armadillidium vulgare, qui se traduit dans la phylogénie de l'élément f par son positionnement au sein des bactéries du genre Wolbachia plutôt qu'au sein des arthropodes (fig. 5.8).

figure 5.8 : phylogénie universelle et positionnement de l'élément f