Exemple de sélection uniformisante ou directionnelle

Exempleexemple de la phalène du bouleau

Biston betularia, phalène ou géomètre du bouleau, est un papillon de nuit caractérisé par des ailes claires ponctuées de taches sombres (fig. 3.62)

figure 3.62 : Biston betularia typica

Cette couleur lui permet de passer quasi inaperçu au regard humain lorsqu'il est posé en journée sur le tronc des bouleaux (fig. 3.63).

figure 3.63 : Camouflage de la forme typica sur un tronc de bouleau clair

En 1848 a été décrit le premier individu de couleur sombre, apparu dans la région de Manchester (fig. 3.64).

Cette forme est due à une mutation conduisant à une expression généralisée de mélanine sur les écailles constituant les ailes. L'allèle responsable de la forme sombre est dominant sur l'allèle sauvage.

figure 3.64 : Biston betularia carbonaria

Dans cette région de Manchester et d'autres en Angleterre, la forme mélanique a envahi les populations atteignant 98% dans certaines d'entre elles dès la fin du 19ème siècle.

L'explication proposée pour cette très rapide modification d'un caractère est la sélection. Deux choses sont nécessaires :

  • identifier la pression de sélection (facteur environnemental) qui donnerait un avantage à la forme sombre (carbonaria) sur la forme claire (typica)

  • démontrer expérimentalement que l'avantage est bien celui envisagé.

Les régions dans lesquelles la forme sombre a prospéré sont des régions industrielles, caractérisées par la présence de polluants et de particules assombrissant les troncs des arbres. L'hypothèse serait que la forme carbonaria échappe à la prédation par les oiseaux car beaucoup moins visibles sur des troncs sales (Tutt J.W., 1896).

Henry Bernard Davis Kettlewell (1907-1979) a vérifié cette hypothèse et publié deux articles sortis en 1955 et 1956 dans le journal « heredity ». Pour cela il a capturé des individus correspondants aux différents phénotypes, marqué discrètement les papillons puis les a relâchés sur un territoire défini. Après libération de papillons marqués, Kettlewell a observé le prélèvement fait par les oiseaux. Le prédateur identifié dans cette expérience est Phœnicurus phœnicurus (rougequeue à front blanc). Malgré un nombre plus important de papillons relâchés (voir tableau suivant), la forme carbonaria est effectivement beaucoup moins repérée et mangée par ce passereau (fig. 3.65). Ill a alors posé des pièges pour recapturer les papillons (pièges lumineux ou avec phéromones). Deux régions ont été choisies, la région proche de Birmingham, très industrialisée, et le Dorset, une région rurale du sud-ouest de l'Angleterre.

Les résultats obtenus sont donnés dans les figures 3.65 à 3.66.

figure 3.65 : Prédation enregistrée à Birmingham en 1954
figure 3.66 : Recapture des papillons marqués à Birmingham en 1954
figure 3.67 : Recapture des papillons marqués à Birmingham en 1955
figure 3.68 : Recapture des papillons marqués dans le Dorset en 1955

Le premier constat est que dans la région polluée de Birmingham, bien que plus rares, les formes typica sont plus facilement repérées et consommées par les passereaux, ce qui était prévu par l'hypothèse.

Par ailleurs le taux de recapture de la forme carbonaria est meilleur en zone polluée et plus faible que celle de la forme typica en zone rurale. La différence enregistrée entre les deux lieux minimise les autres hypothèses (attirance d'une forme pour les pièges, migration) et permet d'assimiler le taux de recapture à un taux de survie.

En 1956, un plan important de prévention de la pollution (Clean Air Act) fut adopté et les émissions de fumées industrielles n'ont cessé de diminuer depuis. La figure ci-dessous représente l'évolution de la fréquence de la forme carbonaria entre les années 70 et 90 dans la région du Kent. Elle suit une tendance correspondant à ce qui peut être prévu si la couleur sombre devient progressivement désavantageuse pour les phalènes (fig. 3.69).

figure 3.69 : Evolution de la fréquence de la forme carbonaria dans le Kent. Chaque point indique la moyenne, les barres horizontales correspondent à l'amplitude de dates de mesures et les barres verticales aux écarts types pour ces mesures (d'après Coock L.M. et al. , 1999)