1.1.3 - Lamarck (1744-1829) Jean Baptiste Pierre Antoine de Monet, chevalier de Lamarck

Tuteur du fils de Buffon qui lui procure un poste d'assistant au Muséum au département de Botanique, il y est nommé en 1793 professeur chargé des animaux inférieurs ou invertébrés, un terme créé par lui. Fixiste au départ,c'est à 55 ans qu'il présente des idées évolutionnistes pour la première fois, lors du discours d'ouverture de son cours du 11 mai 1800.

Lamarck cherche à expliquer deux phénomènes :

  • Les animaux montrent une série graduée de perfectionnements, des plus simples aux plus complexes;

  • La diversité des organismes est étonnante.

A l'époque la question se posait de comprendre pourquoi on connaissait à l'état fossile des espèces absentes aujourd'hui. Niant le fait qu'elles aient disparu, Lamarck proposa l'idée qu'elles s'étaient transformées. Il se basa pour cela sur les fossiles de mollusques des collections du Muséum : plus les fossiles sont anciens plus ils diffèrent des actuels, alors que l'on note une forte ressemblance entre des fossiles de deux couches superposées.

« Quoique beaucoup de coquilles fossiles soient différentes de toutes les coquilles marines connues, cela ne prouve nullement que les espèces de ces coquilles soient anéanties, mais seulement que ces espèces ont changé à la suite des temps, et qu'actuellement elles ont des formes différentes de celles qu'avaient les individus dont nous retrouvons les dépouilles fossiles » Philosophie zoologique, ou exposition des considérations relatives à l'histoire naturelle des animaux (1809)

Cette transformation des espèces au cours du temps résolvait un autre problème : le Créateur pouvait avoir créé des êtres parfaits dans un monde statique, mais dans une Terre âgé de centaines de millions d'années et qui avait subi de nombreux changements climatiques et physiques, une création d'espèces immuables est inconcevable, car l'adaptation aux changements des conditions à la surface de la Terre implique un changement adaptatif des espèces. Lamarck ne remet donc pas en cause la création par Dieu, sa vision est compatible avec son existence.

Les mécanismes de l'évolution proposés par Lamarck reposaient sur deux principes auxquels les biologistes croyaient à l'époque : l'hérédité des caractères acquis et la règle de l'usage et du non usage.

« Chez tout animal qui n'a point dépassé le terme de son développement, l'emploi le plus fréquent et le plus soutenu d'un organe quelconque fortifie peu à peu cet organe, le développe, l'agrandit, et lui donne une puissance proportionnée à la durée de cet emploi. Tandis que le défaut constant d'usage de cet organe l'affaiblit intensément, le détériore, diminue progressivement ses facultés et finit par disparaître". »

« "Tout ce que la nature a fait acquérir ou perdre aux individus par l'influence des circonstances, où leur race se trouve depuis longtemps exposée, et par conséquent, par l'influence de l'emploi prédominant de tel organe, ou par celle d'un défaut constant de telle partie, elle le conserve par la génération aux nouveaux individus qui en proviennent, pourvu que les changements acquis soient communs aux deux sexes, ou à ceux qui ont produit ces nouveaux individus »

Dans cette conception, les changements de l'environnement ont priorité, ils induisent des besoins et des activités chez les individus et ceux-ci à leur tour engendrent des variations adaptatives qu'ils transmettent à leurs descendants.

Lamarck est le premier à proposer une vision d'un monde dynamique, dans lequel toutes les espèces mais aussi toute la chaîne des êtres et tous les équilibres de la nature obéissent à un flux constant.Il fut le premier à comprendre la nature adaptative des caractères des animaux. Il fut un évolutionniste authentique, qui attribua un grand âge à la Terre, inclut l'homme dans le mouvement de l'évolution

« Si une race quelconque de quadrumanes, surtout la plus perfectionnée d'entre elles, perdant la nécessité des circonstances, ou par quelque autre cause, l'habitude de grimper dans les arbres et d'en empoigner les branches avec les pieds comme avec les mains, pour s'y accrocher, et si les individus de cette race, pendant une suite de générations, étaient forcés de ne se servir de leurs pieds que pour marcher, et cessaient d'employer leurs mains comme des pieds, il n'est pas douteux [...] que ces quadrumanes ne fussent à la fin transformés en bimanes, et que les pouces de leurs pieds ne cessassent d'être écartés des doigts, ces pieds ne leur servant plus que pour marcher" et qu'ils n'eussent adopter la position debout afin "de voir à la fois au loin et au large »

et considéra l'évolution comme graduelle.

Lamarck eu à affronter l'opposition farouche de Gorges Cuvier (1769-1832). Fondateur de l'anatomie comparée, de la paléontologie (il montre l'existence d'ensembles de couches ayant chacun sa faune particulière de mammifères et plus la couche est ancienne plus la faune diffère de l'actuelle), il pense pour sa part que si des espèces fossiles sont inconnues aujourd'hui ce n'est pas parce qu'elles se transformées mais parce qu'elles ont disparu. Il fonde ses arguments sur l'absence de formes intermédiaires entre les espèces successives de mammifères fossiles qu'il observe au cours du temps dans les formations sédimentaires.

« Cependant on peut leur répondre, dans leur propre système, que si les espèces ont changé par degrés, on devrait trouver des traces de ces modifications graduelles ; qu'entre le Paléothérium et les espèces d'aujourd'hui l'on devrait découvrir quelques formes intermédiaires, et que jusqu'à présent cela n'est point arrivé. Pourquoi les entrailles de la Terre n'ont-elles point conservé les monuments d'une généalogie si curieuse, si ce n'est parce que les espèces d'autrefois étaient aussi constantes que les nôtres, ou du moins parce que la catastrophe qui les a détruites ne leur a pas laissé le temps de se livrer à leurs variations ? »

On retrouve cette objection chez Darwin :

« Pourquoi donc chaque formation géologique, dans chacune des couches qui la composent, ne regorge-t-elle pas de ces formes intermédiaires ? La géologie ne révèle assurément pas une série organique si bien graduée, et c'est cela, peut-être, qui constitue l'objection la plus sérieuse qu'on puisse faire à ma théorie. » (L'origine des espèces, édition Maspéro, page 355) et plus loin (page 420) : «  Quiconque n'admet pas l'imperfection des documents géologiques doit avec raison repousser ma théorie toute entière »

Il attribue ces disparitions de faune à des catastrophes dont il observe les traces dans les déformations tectoniques des roches ou dans les transgressions et régressions marines. Mais pour expliquer l'apparition de nouvelles espèces il refusa de trancher entre le transformisme qu'il refusait, et des créations successives entre chaque catastrophe car ceci introduisait de la théologie dans les sciences.