1.1.2 - Buffon (1707-1788) Georges Louis Leclerc Comte de Buffon

Intendant du jardin du roi en 1739, il laisse un écrit majeur : une Histoire Naturelle en 35 volumes, en partie publiée après sa mort.

Il définit l'espèce par l'isolement reproducteur. En fait, il avait emprunté cette définition à John Ray, naturaliste anglais de la fin du XVIIème.

Il donne à la terre un âge de 168 000 ans (3 millions officieusement) compatible avec les processus évolutifs.

Il s'intéresse à la variation et l'utilise pour proposer des modèles voisins des modèles actuels de spéciation allopatrique.

« Il ne serait donc pas impossible que, même sans intervertir l'ordre de la nature, tous ces animaux du Nouveau Monde ne fussent dans le fond les mêmes que ceux de l'Ancien, desquels ils auraient autrefois tiré leur origine ; on pourrait dire qu'en ayant été séparés par la suite par des mers immenses ou par des terres impraticables, ils auront avec le temps reçu toutes les impressions, subi tous les effets d'un climat devenu nouveau lui-même et qui aurait aussi changé de qualité par les causes mêmes qui ont produit la séparation. Mais cela ne doit pas nous empêcher de les regarder aujourd'hui comme des animaux d'espèces différentes. » Histoire naturelle, IX, 1761.

Partant des ressemblances entre les êtres vivants, il pousse le raisonnement jusqu'à envisager, en l'argumentant, une origine commune à tous les êtres vivants.

« On pourrait envisager que, non seulement l'âne et le cheval, mais aussi l'homme, les singes, les quadrupèdes et tous les animaux constituent une même famille [...]. Si l'on admettait que l'âne est de la famille du cheval, et qu'il n'en diffère seulement parce qu'il a varié par rapport à la forme originale, on pourrait également dire que le singe est de la famille de l'homme, qu'il est un homme dégénéré, et que l'homme et le singe ont une origine commune ; qu'en fait, toutes les familles, chez les plantes comme chez les animaux, proviennent d'une seule souche, et que tous les animaux sont issus d'un seul animal, lequel aurait donné au cours du temps, soit dans le sens d'un progrès, soit dans celui d'une dégénérescence, toutes les autres races d'animaux. Car si l'on arrivait à montrer qu'il est justifié d'établir ces familles, si l'on établissait que parmi les animaux et les plantes, il en est, je ne dis pas plusieurs espèces, mais au moins une, qui ait été produite par descendance directe d'une autre espèce, si, par exemple, il était vrai que l'âne n'est rien d'autre qu'une forme dégénérée du cheval, alors, il n'y aurait plus de raison de supposer des limites au pouvoir de la nature, et nous n'aurions pas tort de penser qu'avec suffisamment de temps, elle aurait pu donner, à partir d'un seul être vivant, toutes les autres formes d'organismes. Mais cela n'est aucunement une représentation correcte de ce qu'est véritablement la nature. Nous sommes assurés par l'autorité de la révélation que tous les animaux ont été également produits par la grâce d'une Création directe, et que la première paire de chaque espèce est sortie complètement formée des mains du Créateur. »

De même, il s'était intéressé aux races humaines. Pour lui ces races appartenaient à la même espèce (interfécondité), elles étaient dues à l'exposition à des climats différents. Mais c'était réversible : des noirs exposés au climat danois devraient devenir blanc au cours du temps.

« Tout concourt donc à prouver que le genre humain n'est pas composé d'espèces essentiellement différentes entre elles, qu'au contraire il n'y a eu originellement qu'une espèce d'hommes, qui s'étant multiplié et répandue sur toute la surface de la Terre a subi différents changements par l'influence du climat, par la différence de la nourriture, par celle de la manière de vivre, par les maladies épidémiques, et aussi par le mélange varié à l'infini des individus plus ou moins ressemblants ; que d'abord ces altérations n'étaient pas si marquées, et ne produisaient que des variétés individuelles ; qu'elles sont ensuite devenues variétés de l'espèce, parce qu'elles sont devenues plus générales, plus sensibles et plus constantes ; qu'elles se sont perpétuées et qu'elles se perpétuent de génération en génération, comme les difformités ou les maladies des pères et des mères passent à leurs enfants ; et qu'enfin, comme elles n'ont été produites originairement que par le concours de causes extérieures et accidentelles, qu'elles n'ont été confirmées et rendues constantes que par le temps et l'action continue de ces mêmes causes, il est très probable qu'elles disparaîtraient aussi peu à peu [...] si ces mêmes causes ne subsistaient plus, ou si elles venaient à varier...  » Histoire naturelle, III, 529-530, 1749.

On peut l'opposer sur ce point à Voltaire.

« Les poiriers, les sapins, les chênes et les abricotiers ne viennent point d'un même arbre...les blancs barbus, les nègres portant laine, les jaunes portant crin et les hommes sans barbe ne viennent pas du même homme ». « Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d'hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu'ils ne doivent point cette différence à leur climat, c'est que des Nègres et des Négresses transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce, et que les mulâtres ne sont qu'une race bâtarde d'un noir et d'une blanche, ou d'un blanc et d'une noire.  »