3.1.1 - Les enseignements de Darwin

Nous avons vu précédemment que la notion d'évolution qui s'oppose au fixisme, s'est imposée petit à petit durant le XIXème siècle. Les mécanismes associés à ce processus restaient cependant à élucider. Lamarck a fait une première proposition qui consistait à lier la plasticité des individus au cours de leur vie à l'évolution des espèces. L'hérédité acquise qui était communément admise à cette époque constituait pour lui l'essentiel du mécanisme évolutif.

Le génie de Darwin a été de comprendre que le siège de l'évolution était la population, et non l'individu, et de proposer un mécanisme simple.

Rappelons nous que les éléments déterminants dans l'élaboration de sa théorie sont :

  • L'adaptation des espèces à leur mode de vie et leur environnement

...toutes ces admirables adaptations d'une partie de l'organisme dans ses rapports avec une autre partie, ou avec les conditions de la vie, ou bien encore, les rapports d'un être organisé avec un autre.

  • La diversité des formes dans une même espèce

Le nombre et la diversité des déviations de conformation transmissibles par hérédité, qu'elles soient insignifiantes ou qu'elles aient une importance physiologique considérable, sont presque infinis.

  • La limitation des ressources disponibles pour une population

Comme il naît plus d'individus qu'il n'en peut vivre, il doit y avoir, dans chaque cas, lutte pour l'existence...

  • La prolificité élevée des espèces naturelles

  • La lutte pour l'existence résultant inévitablement de la rapidité avec laquelle tous les êtres organisés tendent à se multiplier.

  • Il n'y a aucune exception à la règle que tout être organisé se multiplie naturellement avec tant de rapidité que, s'il n'est détruit, la terre serait bientôt couverte par la descendance d'un seul couple. L'homme même, qui se reproduit si lentement, voit son nombre doublé tous les vingt-cinq ans, et, à ce taux, en moins de mille ans, il n'y aurait littéralement plus de place sur le globe pour se tenir debout. Linné a calculé que, si une plante annuelle produit seulement deux graines -- et il n'y a pas de plante qui soit si peu productive -- et que l'année suivante les deux jeunes plants produisent à leur tour chacun deux graines, et ainsi de suite, on arrivera en vingt ans à un million de plants. De tous les animaux connus, l'éléphant, pense-t-on, est celui qui se reproduit le plus lentement. J'ai fait quelques calculs pour estimer quel serait probablement le taux minimum de son augmentation en nombre. On peut, sans crainte de se tromper, admettre qu'il commence à se reproduire à l'âge de trente ans, et qu'il continue jusqu'à quatre-vingt-dix ; dans l'intervalle, il produit six petits, et vit lui-même jusqu'à l'âge de cent ans. Or, en admettant ces chiffres, dans sept cent quarante ou sept cent cinquante ans, il y aurait dix-neuf millions d'éléphants vivants, tous descendants du premier couple.

  • La compétition entre les individus d'une même espèce pour survivre et se reproduire

  • Comme il naît plus d'individus qu'il n'en peut vivre, il doit y avoir, dans chaque cas, lutte pour l'existence, soit avec un autre individu de la même espèce, soit avec des individus d'espèces différentes, soit avec les conditions physiques de la vie.

  • Si des variations utiles à un être organisé quelconque se présentent quelquefois, assurément les individus qui en sont l'objet ont la meilleure chance de l'emporter dans la lutte pour l'existence ; puis, en vertu du principe si puissant de l'hérédité, ces individus tendent à laisser des descendants ayant le même caractère qu'eux. J'ai donné le nom de sélection naturelle à ce principe de préservation.

  • Le parallèle entre la sélection exercée par l'homme sur les espèces domestiquées et l'évolution

Mais quand nous comparons le cheval de trait et le cheval de course, le dromadaire et le chameau, les différentes races de moutons adaptées à la terre cultivée ou à la pâture de montagne, la laine d'une race bonne pour un usage et celle d'une autre race bonne pour un autre usage ; quand nous comparons les nombreuses races de chiens, chacune bonne pour l'homme en des manières très différentes... Nous ne pouvons pas supposer que toutes les espèces ont soudainement été produites dans cet état parfait et utile que nous connaissons aujourd'hui ; en effet, dans plusieurs cas, nous savons que ce n'a pas été leur histoire. La clé est la puissance de l'homme de la sélection accumulative : la nature donne des variations successives : l'homme les ajoute dans une certaine direction qui lui est utile. C'est en ce sens qu'on peut dire qu'il fait des races qui lui sont utiles