Méthodologie

Vous n'arrivez pas à l'université vierge de toute représentation du savoir, des enseignants et des situations pédagogiques.

Vous y entrez persuadé(e) à tort ou à raison d'être bon ou mauvais dans telle ou telle matière et généralement moins persuadé(e) que votre capacité d'amélioration est quasiment infinie. Cette image s'est constituée au fil des années, en grande partie grâce ou à cause de l'image que les autres vous ont renvoyée : vous y êtes habitué(e), vous le savez maintenant, les habitudes –bonnes comme mauvaises–, nous rassurent et nous y tenons : elles répondent –superficiellement du moins– à cette angoissante question : « qui suis-je ? ». Et dans ce domaine toutes les certitudes –même désagréables– semblent bonnes à prendre. Vous avez donc délimité votre zone de confort et, a priori, ne souhaitez pas en repousser les limites.

Ceci constitue déjà un premier handicap : les matières ingrates, celles pour lesquelles vous n'avez pas de facilités, risquent rapidement de devenir orphelines de votre attention et de vos soins – après tout, l'obtention de votre bac semble la preuve que vous pouvez les négliger. A ceci près que la vie professionnelle ne fait pas de moyenne générale et qu'aucun jury n'y reçoit des consignes de clémence. Une orthographe approximative –pour ne prendre que ce point– peut nuire à votre embauche ou à votre progression. Le problème est que l'université met rarement en place des dispositifs de remédiation pour des éléments de base, censés être maîtrisés à l'entrée du supérieur. C'est donc à vous d'être exigeant, non parce qu'un adulte, un enseignant vous le dit, mais parce que vous êtes vous-même un adulte conscient qu'il faut combler ses lacunes. Si vous considérez ces points comme étant de votre responsabilité il y a plus de chance que vous acceptiez de les travailler parce que cela sera à votre initiative.

La deuxième difficulté est plus sournoise. Nous l'avons vu, le cerveau reptilien prend en charge nos actions pour une réponse rapide. Lorsque nous rencontrons quelqu'un – et l'Autre est pour notre cerveau reptilien un danger potentiel- nous devons trouver la meilleure façon de nous adresser à cette personne en fonction de son propre comportement. Nous ne la connaissons pas ? Ce n'est pas grave : le cerveau reptilien analyse rapidement la situation et trouve des similitudes –de physionomie, de physique, de démarche, d'intonation, d'âge– et va puiser dans sa banque de données les profils déjà connus ressemblants. Il ramène l'inconnu au connu et nous livre clé en main l'attitude à avoir. Si le « modèle » –et ne l'oubliez pas vos modèles primordiaux sont à chercher dans l'entourage de votre petite enfance– est positif, vous éprouverez une sympathie spontanée pour cette personne inconnue qui vous la rappelle.

Vous commencez sans doute à cerner le problème : vous avez croisé beaucoup d'enseignants et ceux-ci ont forgé votre façon d'établir des relations avec leurs collègues. Il ne s'agit pas de blâmer ce fonctionnement inconscient mais de le connaître afin d'éviter deux écueils :

• la fausse reconnaissance : vous croyez savoir à quel type de personne vous avez affaire, alors qu'elle est différente ;

• la projection sur le nouvel enseignant de conflits antérieurs non résolus avec le modèle. Ceci est particulièrement à l'œuvre dans vos matières « ingrates ».

Que faire ? La sympathie spontanée que vous éprouvez vous donnera envie de travailler avec l'enseignant, vous aurez généralement envie de lui faire plaisir. Même si ce fonctionnement est « puéril » –« je veux que papa et maman m'aime » pour simplifier– il a le mérite d'être, provisoirement efficace pour vous motiver et nécessiterait une longue analyse pour que vous acceptiez d'agir non plus pour la reconnaissance par les autres mais pour votre propre épanouissement – et arriver à la pointe de la pyramide de Maslow...

En revanche si dès les premiers cours l'antipathie est forte, il est nécessaire que vous identifiez le fantôme que cache l'enseignant, que vous réfléchissiez aux mauvais souvenirs qu'il évoque pour pouvoir, non pas les faire disparaître ou les nier, mais essayer de faire la part des choses, au moins d'un point de vue conscient. Cela ne change pas tout, cela ne signifie pas que vous aimerez votre enseignant- il y survivra- mais vous pourrez, à chaque fois que vous sentirez l'exaspération venir, diminuer la pression en vous répétant que A n'est pas B, voire modifier votre comportement en tenant compte des ressemblances ou des différences. Vous vous en doutez ce conseil s'appliquera également à merveille dans le monde du travail, en particulier salarié, où la structure hiérarchique favorise la réactivation de conflits familiaux latents avec les ascendants – parents, grands –parents, oncles et tantes- qui se réincarnent dans vos supérieurs ou collègues plus âgés, tandis que ceux liés à la fratrie, aux cousins, aux petits voisins, peuvent empoisonner vos rapports avec vos collègues...

La dernière entrave est la culpabilité.

Lorsque vous manquez un gâteau vous pouvez être déçu(e), pester contre le temps perdu, il est vraisemblable que vous ne vous sentiez pas coupable, que vous n'estimiez pas être irrémédiablement perdu(e) pour la cuisine et du coup vous essaierez de comprendre l'enchaînement de circonstances qui vous a amené à produire un résultat peu satisfaisant- et pourrez ainsi progresser. A l'inverse, lors d'un échec scolaire il est tentant d'apporter une réponse à la fois globale –« je suis nul(le) », « je n'ai pas eu de chance », « le correcteur ne m'aime pas »– et extérieures aux processus cognitifs. Nous intériorisons si bien la représentation de notre société qui lie –de façon rapide et partiale– réussite dans les études et intelligence et qui valorise l'intellect que nous nous condamnons sans appel. Cessez de vous condamner : examinez ce qui vous a conduit à vous tromper, reprenez l'itinéraire et identifiez le cul-de-sac que vous avez emprunté pour ne plus tourner au mauvais moment.

N'oubliez pas enfin que l'un des mobiles les plus puissants de nos actions est la peur. Peur de se tromper, d'être déçu(e), de décevoir: cette peur s'explique par notre souci de sauvegarder notre amour-propre. Pour ne pas être blessé(e) dans cette part la plus intime de nous-mêmes, nous mettons au point différentes stratégies, destinées à nous préserver, à nous permettre de survivre.