Méthodologie

Qu'est-ce qu'apprendre ?

Les films et les livres de science-fiction mettent souvent en scène de merveilleuses machines qui, connectées au cerveau, y déverseraient leurs connaissances. Ce fantasme d'une éducation transférable d'une entité à une autre est autant celui de certains enseignants (« Ils n'ont qu'à appliquer le cours ») que le rêve des étudiants (« Si seulement mettre le livre sous l'oreiller suffisait » , « Je relis mon cours tout le temps »).

Malheureusement –ou heureusement– ce n'est pas ainsi que nous apprenons. Nous ne sommes pas remplis de connaissances par un pédagogue. Qui d'ailleurs vous a appris à marcher, à courir, à sauter et –plus difficile encore, à parler ? Personne à proprement parler, vous avez procédé par examen de la situation, essais, imitations, corrections jusqu'à ce que vos trouviez la façon de faire qui vous semblait la plus efficace et validée comme telle par votre expérience comme par l'avis des autres. Et cela doit vous apprendre la leçon la plus importante sur l'apprentissage.

Apprendre est un processus long . Pour maîtriser quelque chose –une connaissance, une procédure – il faut du temps, parce que ce savoir extérieur à vous doit s'incorporer en vous, en faire partie

Apprendre est le plus souvent un processus qui demande des efforts. La découverte est le plus souvent ludique, mais se saisir d'une connaissance pour qu'elle ne vous quitte plus suppose de l'attention, le fait de faire des exercices, de se tromper, de reprendre, de progresser, de régresser parfois sur des points que l'on croyait acquis, avant d'arriver à un stade de maîtrise satisfaisant qui demandera à être entretenu.

Apprendre est souvent douloureux : douloureux parce que faire des exercices est trop souvent considéré comme une punition, une obligation extérieure ; douloureux parce que les erreurs sont trop souvent vécues comme une remise en cause de ses capacités et de la maîtrise de son intellect- alors qu'elles font partie du processus ; douloureux parce que passer de l'ignorance –même si le mot ne convient pas, nous le verrons– à la connaissance implique une transformation de soi, un abandon du moi d'avant, abandon inconscient mais qui consomme de l'énergie psychique[1] et suppose que nous ayons une confiance suffisante en nous-mêmes, la conviction intime et totalement inconsciente que nous –ce qui constitue notre identité- n'allons pas nous perdre nous dissoudre dans ce processus.. Toute métamorphose est angoissante: rappelez-vous votre adolescence. Enfin la douleur c'est également celle de devoir admettre que nous avons besoin des Autres –de leur savoir, de leur compréhension- pour devenir nous-mêmes : or une partie de nous aimerait se croire auto-suffisante, capable de tout connaître par elle-même. Apprendre c'est accepter d'adopter une vision du monde qui n'était pas la nôtre, accepter de sacrifier notre façon spontanée de voir les choses pour chausser les lunettes qui nous feront voir « comme les autres . »

Pensez à celui qui veut devenir athlète ou seulement perdre des kilos superflus, la transformation de son corps nécessite un engagement de sa volonté, une concentration, une discipline, des sacrifices. Pour être moins visibles à l'œil nu, les transformations que vous souhaitez obtenir de votre intellect n'en exigeront pas moins de vous.

Vous ne pouvez espérer apprendre sans accepter de vous engager véritablement dans ce processus. La méthodologie, en vous demandant de vous pencher sur les moyens que vous mettez en œuvre, vous place en position de le faire.

Vous vous demandez sans doute comment font les « bons élèves » ? Vous imaginez peut-être qu'ils sont plus intelligents, que ce sont des « intellos » différents par nature ?

Ils ne sont pas différents. Ils agissent différemment. Le bon élève est celui qui apprend vraiment, qui fait en sorte que la connaissance fasse partie de lui, deviennent un élément qui le constitue, qui modifie sa façon de voir, de penser.

Les connaissances ne sont pas des blocs indépendants, posés à côté de soi : vous devez :

  • les mettre en relation avec vos connaissances, vos expériences antérieures – voir aussi le chapitre sur la mémorisation ;

  • les utiliser afin de constituer un système complexe de connaissance du monde. Vous devez envisager ce dernier par le prisme de ces connaissances ;

  • en examiner les principes sous-jacents, en chercher les conséquences.

Apprendre de façon approfondie suppose un processus réflexif sur ce que vous faites. L'apprenti cuisinier ne progressera jamais s'il ne s'interroge pas sur la façon dont il a préparé tel ou tel plat et n'analyse pas ses échecs ou ses réussites pour en tirer les principes à appliquer. Cette démarche, qui vous semble évidente pour l'apprentissage d'un métier manuel, est précisément celle que vous devez mettre en œuvre à l'université, avec cette difficulté que vous devez examiner non seulement des actions concrètes mais également des processus intellectuels : placez donc votre cerveau sous le microscope de votre esprit critique. C'est une perte de temps ? Repensez au cuisinier.

Vous saurez que vous savez quand :

  • vos connaissances seront organisées de façon complexe – et non disséminées sous forme d'éléments singuliers ;

  • vous pourrez les utiliser dans des situations nouvelles, improviser à partir d'elles ;

  • vous organiserez et critiquerez efficacement votre travail.

Mais le plus souvent on ne peut apprendre gratuitement – voir Réviser.

Qu'est-ce qu'apprendre ?
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    Comme l'explique Pascale Tiscani « l'intégration c'est la possibilité d'intégrer des contenus nouveaux , des connaissance nouvelles. La désintégration, c'est la possibilité de modifier nos croyances cognitives ou psychique pour modifier nos connaissances et par voie de conséquence ce que nous sommes profondément. Intégrer des nouveaux contenus « scientifiques » nous transforme aussi psychologiquement ».

    Apprendre avec les neurosciences, Rien ne se joue avant 6 ans, Pascale Tiscani, Chronique sociale, Lyon 2012, p.38.

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