Pédagogie de l'enseignement adoptée pour ce projet

Les aspects didactiques et pédagogiques de ce projet Unisciel ont pour volonté de s'insérer dans une démarche hypothético-déductive (Cariou 2008). Afin de restituer cette pédagogie, il serait important de citer initialement Bachelard : « Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune. Il est même très vieux car il a l'âge de ses préjugés. On ne peut rien fonder sur l'opinion, il faut d'abord la détruire » (Bachelard 1938). Bachelard explique clairement qu'on connaît contre une connaissance antérieure. Pour un esprit scientifique toute connaissance est une réponse à une question, s'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. En outre, c'est en termes d'obstacles épistémologiques qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique. C'est pourquoi une attention particulière sera portée sur le développement d'objectifs-obstacles sur l'ensemble du projet.

L'impossibilité d'une observation “neutre” servant de point de départ sans idée préconçue, l'importance du sens du problème (Bachelard 1938, Popper 1973), de l'émission d'hypothèses variées, de la conception de tests pour les contrôler, a permis d'élaborer un modèle très simplifié de cheminement scientifique non linéaire, certes éloigné des itinéraires complexes du monde de la recherche, mais suffisant pour l'initiation d'apprenants (Figure 2).

Figure 2. Modèle DiPHTéRICInformations[1]

Abréviations : Di- les données initiales (idées et faits, dont des observations), P-problématisation, H-hypothèse dans lesquelles s'exprime l'esprit créatif, Te-les tests conçus par les apprenants, c'est ici que s'exprime l'esprit de contrôle. R –résultats du test, I-interprétation et C-conclusion

Apprendre regroupe un ensemble d'activités multiples, polyfonctionnelles et contextualisées. Pour qu'il y ait compréhension d'un nouveau modèle ou mobilisation d'un concept par l'apprenant, l'ensemble de sa structure mentale doit être transformée. Son cadre de questionnement doit être complètement reformulé et sa grille de références réélaborée. Ces mécanismes ne sont jamais immédiats, ils passent par des phases de conflits ou d'interférences.

La pensée d'un apprenant ne se comporte nullement comme un système d'enregistrement passif. Les apprenants possèdent avant tout enseignement un certain nombre de questions, d'idées, de références et de pratiques : ils manipulent un mode d'explication appelé « conceptions ». L'acquisition des connaissances procède d'une activité d'élaboration dans laquelle l'apprenant doit confronter les informations nouvelles et ses connaissances mobilisées, et où il doit produire de nouvelles significations plus aptes à répondre aux interrogations qu'il se pose.

Dans ce projet, il s'agira de recueillir les « conceptions » (De Vecchi & Giordan 2002) des étudiants face aux Savoirs scientifiques afin ensuite d'entrer plus avant dans un processus de questionnement, d'espace-problème. Ce dernier est important car c'est sur lui que repose l'entrée dans une véritable démarche scientifique et une ouverture à l'esprit critique. En effet, la pertinence et la valeur d'un problème se mesurent par son opérationnalité et par le savoir qu'il permettra de construire.

Déstabiliser les conceptions des apprenants par une question ne sera qu'une partie de la phase de construction du problème car il sera suivi d'un moment de conception. Il s'agira de valoriser l'invention du principe, organiser l'analyse des différentes propositions avant de laisser réaliser un protocole. Deux orientations pourront être distinguées selon que ce projet sert de support de cours à l'université ou d'enseignement à distance. Dans le premier cas, les démarches d'analyse expérimentale et d'interprétation se feront au sein de l'enseignement en présentiel, alors que dans le second cas, elles se feront sous forme d'analyse de documents d'expériences proposées puis corrigées dans l'objectif d'en extraire sous forme de cours-bilan un mécanisme fonctionnel général.

Ce projet tentera de s'inscrire finalement dans la logique de l'environnement didactique favorisant l'acte d'apprendre décrit par l'équipe de Giordan (Pellaud & Eastes 2003) au sein de son modèle allostérique (Figure 3). Ce modèle comprend les étapes suivantes :

• élaborer et réfléchir sur ses propres savoirs

• pouvoir mobiliser ses savoirs

• avoir confiance, oser se lâcher

• s'approprier des aides à penser

• trouver du sens aux savoirs abordés, être motivé

• se confronter

• être perturbé

• savoir imaginer, oser innover

Figure 3. Modèle allostérique de GiordanInformations[2]

Ce schéma présente l'environnement didactique préconisé au sein d'un apprentissage afin d'aboutir à une transformation de ses conceptions. Les rôles de l'enseignant ainsi que les paramètres favorisant l'acte d'apprendre y sont en interactions étroites.