Stratégie de nutrition des mycètes (3/3)

Episode 8 - Stratégie de nutrition des mycètes (3/3)Informations[1]

Les parasites

Les champignons parasites des animaux.

Aussi surprenant que cal puisse paraître, les champignons carnivores sont assez communs dans nos environnements et ils s'attaquent en priorité à des insectes ou encore à des vers ronds de petite taille appelés nématodes.

La majorité des mycètes qui parasitent les nématodes sont des ascomycètes appartenant principalement à la classe des Orbiliomycètes. Ces champignons déploient des mécanismes assez originaux pour capturer les nématodes avant de les tuer. Certains peuvent former des hyphes en forme de lasso pour capturer et immobiliser leurs proies. Parfois les hyphes sont collantes pour piéger le nématode. Après la capture de leur proie, les mycètes pénètrent à l'intérieur et sécrètent des enzymes pour les digérer. Certains nématodes étant des agresseurs de plantes cultivées, ces mycètes sont de bons candidats comme alternative à l'utilisation de nématicides chimiques en agriculture. D'autre part, une autre application concerne une problématique vétérinaire et vise à faire ingérer des spores à des bovins afin de les protéger contre une infestation par des nématodes gastro-intestinaux, dont la présence peut provoquer des pertes de poids et des baisse de production de lait.

Des champignons pathogènes d'insectes se retrouvent dans de nombreux ordres fongiques, que ce soit des mycètes supérieurs ou inférieurs. Les ascomycètes Beauveria bassiana et Metarhizium anisopliae constituent le principe actif de plusieurs insecticides biologiques applicables sur les cultures. Généralement, ces ascomycètes ou encore les Entomophtorales (ici à gauche) sporulent abondamment à partir des cadavres d'insectes. Les plus impressionnants sont sans doute les Cordyceps. Ils infectent des larves ou des adultes qui vont tout d'abord rester en vie sans symptôme apparent. Le mycète se développe pourtant progressivement à l'intérieur du corps de l'insecte. Certaines espèces vont aller jusqu'à manipuler leur hôte en agissant sur le contrôle périphérique des muscles pour l'amener à un endroit particulièrement propice à la dissémination du mycètes vers d'autres hôtes potentiels. Un grand nombre d'insectes peut être touché (fourmis, chenilles, libellules, guêpes, abeilles, phasmes...) ainsi que des arachnides.

Le parasitisme des vertébrés est moins fréquent et ce sont les vertébrés à sang froid qui sont généralement plus sensibles à ces infections. Citons ici une des épidémies les plus connues qui touche les grenouilles et qui est provoquée par le chytridiomycète Batrachochytrium dendrobatidis. Il est responsable du déclin des populations d'amphibiens dans différentes régions du monde notamment en Amérique centrale. Pour les animaux à sang chaud, outre les atteintes affectant l'Homme dont il va être question juste après, on peut citer une épidémie assez récente qui affecte les chauve-souris en Amérique du Nord. Cette maladie appelé « syndrome du nez blanc » a émergé dans l'Etat de New-York en 2006 puis a progressé pour toucher depuis ¼ des USA et déborder maintenant sur le Canada. Le champignon responsable (Pseudogymnoascus destructans) s'installe pendant l'hibernation et perturbe leur sommeil. Épuisées et sous-alimentées, elles finissent par mourir. Ce mycète est ainsi responsable de la mort de plus d'1 million de chauve-souris.

Les champignons parasites des hommes.

Par contraste à l'énorme réservoir de pathogènes des plantes (+ de 8000) que renferment les mycètes, seulement quelques centaine d'espèces fongiques sont considérées comme des pathogènes de l'Homme. La nécessité pour les mycètes de croitre à 37°C et l'efficacité de système immunitaire sont sans doute des facteurs limitant ces pathologies. Ces mycètes doivent aussi être capables de pénétrer les tissus au niveau de lésions ou par les voies aériennes, les deux voies de contamination les plus courantes.

De façon assez contradictoire, les progrès de la médecine ont permis de garder en vie beaucoup plus longtemps des patients qui restent néanmoins fragiles et qui deviennent des personnes à risque d'infections fongiques. Ainsi, les champignons qui infectent les humains en bonne santé constituent un tout petit groupe d'espèces. De nombreuses autres infections fongiques invasives, souvent beaucoup plus sérieuses, surviennent aujourd'hui chez des patients présentant déjà des pathologies autres.

Chez l'Homme, on désigne sous le terme générique de mycoses trois grands types de maladies selon les tissus concernés:

- mycoses cutanées

- mycoses sous-cutanées

- mycoses profondes ou invasives

Les 2 premières sont relativement banales et se traitent généralement aisément. Les mycoses profondes, plus rares, sont souvent liées à une déficience du système immunitaire. Elles touchent des organes internes et sont difficiles à éradiquer.

Les mycoses cutanées.

Ces mycoses superficielles sont provoquées par des levures ou des champignons filamenteux. Comme nous allons le voir, dans la nature, certains vivent dans les sols ou sur les animaux, d'autres sont des commensaux de l'Homme. Les symptômes sont désagréables, inestétiques, parfois invalidants. Néanmoins ces mycoses restreintes à des zones spécifiques sont souvent bénignes et traitées aisément avec des antifongiques.

Les différents types de dermatophytosesInformations[2]

Certaines mycoses cutanées sont des dermatophytoses, qui sont à l'origine d'infections de la peau, des cheveux ou des ongles. Les agents responsables, appelés collectivement les dermatophytes, sont des champignons microscopiques filamenteux appartenant principalement aux genres Trichophyton, Microsporum et Epidermophyton, qui ont une affinité pour la kératine (protéine qui entre entre autres dans la composition de l'épiderme, des ongles, cheveux et poils).

Les dermatophytes sont répartis en 3 catégories selon leur réservoir naturel:

-les espèces anthropophiles: renferment des parasites humains exclusifs. Il s'agit de l'origine la plus fréquente : la contamination se fait par contact interhumain ou par l'intermédiaire d'objets divers (peignes, brosses, bonnets, ...) ou de contact avec des sols souillés par des squames issues de la peau parasitée (salle de bains, salles de sport, douches collectives, piscines).

-les espèces anthropo-zoophiles: La contamination se fait par contact direct (caresses) ou indirect (poils laissés sur un fauteuil, par exemple) avec un animal de compagnie (chien, chat, cochon d'Inde...) ou d'élevage (chevaux, bovins...). Ces animaux peuvent être porteurs de lésions (épidermophyties chez le chat, le chien..., dartres chez les veaux) ou porteurs sains sans lésion apparente.

-les espèces géophiles La contamination peut se produire à la suite d'un traumatisme d'origine tellurique : les plaies sont souillées de terre enrichie en kératine animale et contenant le champignon.

Les Candida sont des levures commensales ou exogènes, dont le pouvoir pathogène ne s'exprime qu'en présence de facteurs favorisants. Les candidoses peuvent donc être des infections opportunistes dont les causes sont très variées. Le spectre clinique comprend tout d'abord des formes localisées (qui sont cutanées et/ou affectant les muqueuses) et qui sont assez fréquentes. Le muguet buccal par exemple est lié à la prolifération de Candida albicans au niveau de la langue et du palais puis du tube digestif. Le spectre clinique comprend aussi des atteintes invasives rencontrées chez les patients hospitalisés cumulant de nombreux facteurs de risque et dont le pronostic est souvent réservé. On en reparlera en abordant les mycoses profondes.

Les mycoses sous-cutanées sont des infections fongiques impliquant le derme, les tissus sous-cutanés, les muscle et qui peut s'étendre aux os sous-jacents. Ces mycoses ont une origine traumatique. L'exemple le plus connu est le mycétome qui est provoqué par divers champignons (notamment des genres Madurella et Pseudoallescheria). C'est une maladie chronique progressivement destructrice. Cela touche le plus souvent les pieds mais d'autres parties du corps peuvent être touchées. Cela se caractérise par une masse sous-cutanées qui se propage entraînant des destructions et déformation. Ces atteintes sont difficiles à traiter et nécessite parfois des interventions chirurgicales.

Les mycoses profondes constitue une menace sérieuse pour la santé. Elles sont dues à des champignons opportunistes profitant de l'affaiblissement du système immunitaire de patients présentant déjà des pathologies sérieuses. Ces mycoses constituent parfois la dégradation ultime de l'état de santé précédant l'issue fatale. En considérant les incidences les plus importantes, on peut répertorier 6 classes majeures de mycoses invasives.

Les candidoses.

Comme déjà précisé, les champignons du genre Candida sont des levures qui vivent normalement au niveau du corps (dans des endroits tels que la bouche, la gorge, l'intestin et le vagin) et sur la peau sans causer de problèmes. Cependant, chez certains patients à risque, Candida peut pénétrer dans la circulation sanguine ou les organes internes et provoquer une infection. La candidose invasive est une infection grave qui peut affecter le sang, le cœur, le cerveau, les yeux, les os ou d'autres parties du corps. Les personnes qui développent une candidose invasive sont souvent déjà malades à cause d'autres problèmes médicaux, il peut donc être difficile de savoir quels symptômes sont liés à une infection à Candida. Cependant, les symptômes les plus courants de la candidose invasive sont la fièvre et les frissons qui ne s'améliorent pas après un traitement antibiotique pour une infection bactérienne suspectée. D'autres symptômes peuvent apparaître si l'infection se propage à d'autres parties du corps.

Une infection du système sanguin par Candida, également appelée candidémie, est la forme la plus courante de candidose invasive. Parmi la vingtaine d'espèces pathogènes du genre Candida, c'est majoritairement Candida albicans qui est responsable des mycoses profondes.

Candida albicans. est une espèce est dimorphique, elle peut apparaître sous forme de levure ou former des filaments dans certaines conditions environnementales, ce qui lui permet de moduler ses stratégies d'infection. D'autre part, ces levures peuvent former des biofilms. Il s'agit d'individus qui s'organisent pour former une colonie emprisonnée dans une matrice de polymères organiques d'origine fongique et qui va pouvoir adhérer à diverses surfaces en milieu hospitalier (par exemple des cathéters, sondes, prothèses ou pacemaker...). Cette organisation en biofilm rend ces levures encore plus redoutables car cela leur permet d'augmenter leur résistance aux antifongiques et aux défenses immunitaires.

Étapes de formation du biofilm de C. albicansInformations[3]

Les aspergilloses.

Les aspergilloses sont des infections provoquées par des champignons filamenteux du genre Aspergillus. Les mitospores de ces champignons cosmopolites sont produites en abondance et très présentes dans l'air, si bien que nous en inhalons quotidiennement. Dans la plupart des cas, ces spores sont détruites pas le système immunitaire et ne provoquent pas d'infection. Chez les personnes dont le système immunitaire est altéré, ces spores ne sont pas éliminées efficacement et elles peuvent être à l'origine de symptômes parfois très sérieux.

Il y a plus de 200 espèces mais 3 sont particulièrement redoutées pour l'homme: A. fumigatus, A. flavus et A. clavatus. Leur habitat naturel est la paille et le compost.

Le spectre clinique s'étend à des manifestations immunoallergiques, à des formes localisées (infections d'évolution chronique) et à des infections aiguës disséminées (atteintes invasives).

Dans le cas des Aspergillose immunoallergiques, Aspergillus se comporte comme un allergène entraînant de l'asthme, l'inflammation des sinus ou des poumons.

Dans le cas des aspergillomes, il s'agit d'une infection strictement locale du poumon par un champignon du genre Aspergillus, le plus souvent Aspergillus fumigatus. Divers niveaux de gravité sont reconnus, allant du nodule asymptomatique à la destruction du poumon. Le principal signe clinique est des crachats sanglants.

L'aspergillose pulmonaire invasive constitue la forme la plus grave associée à de mauvais pronostics, en partie parce qu'elle touche des patients sévèrement immunodéprimés. La mortalité, malgré le traitement, dépasse souvent 50 %. C'est ainsi de la seconde cause de mortalité par infections fongiques des patients hospitalisés Les signes respiratoires sont au premier plan, avec un syndrome de détresse respiratoire aigüe, mais le caractère diffus de l'infection se manifeste souvent par une septicémie à Aspergillus. Le champignon, relargué dans la circulation sanguine, est alors capable d'atteindre d'autres organes. Ces localisations secondaires des formes disséminées peuvent être cérébrales, sinusiennes, hépatiques, péritonéales, rénales, cardiaques, osseuses et cutanées.

Il existe aussi des formes d'aspergillose extra-respiratoires. Le site primaire d'infection peut être par exemple auriculaire, cutané (survenant par exemple chez les grands brûlés), ou encore oculaires et dans ce cas, elles sont le plus souvent post-traumatiques.

Les cryptococcoses.

Ce sont aussi des mycoses invasives provoquées par des levures basidiomycètes du genre Cryptococcus, et plus particulièrement les 2 espèces Cryptococcus neoformans et Cryptococcus gattii. Elles vivent en saprophyte dans les sols notamment lorsqu'ils sont riches en fientes d'oiseaux et forêt d'Eucalyptus. Il s'agit de l'infection fongique invasive la plus fréquente dans le monde.

Les gens peuvent être infectés par inhalation de propagules fongiques. Les infections à Cryptococcus sont rares chez les personnes qui sont par ailleurs en bonne santé ; la plupart des cas se produisent chez des personnes dont le système immunitaire est affaibli, en particulier celles qui ont un VIH/SIDA avancé. Chez les patients immunodéprimés, le champignon se dissémine dans tous le corps avec une prédilection pour le cerveau (symptômes de type méningite). Cette méningite peut-être fatale en absence de traitement efficace. Il y a aussi des atteintes cutanées.

L'examen direct recherche la présence de levures capsulées à l'aide d'un test à l'encre de Chine. Ce test permet de révéler la présence de Cryptococcus spp. sous la forme de levures entourées d'une capsule mise en évidence en négatif et formant un halo périphérique.

Les mucormycoses.

Les mucormycoses sont des atteintes rares mais graves, pouvant mettre en danger la vie du patient, avec un taux de mortalité d'environ 70 %. Elle affecte le plus souvent les sinus ou les poumons après l'inhalation de spores fongiques dans l'air, ou la peau après que le champignon ait pénétré par une coupure, une brûlure ou un autre type de lésion cutanée.

Ces mycoses touchent généralement le visage ou la cavité oropharyngée et les poumons entraînant une destruction du tissu atteint. Les victimes de ces infections sont essentiellement diabétiques ou des personnes en état de déficit immunitaire

La pneumocytose.

C'est une mycose pulmonaire due à un champignon cosmopolite opportuniste, dénommé Pneumocystis jirovecii, survenant majoritairement chez les patients immunodéprimés. Elle est l'une des principales causes de mortalité des malades du sida dans les pays occidentaux.

L'infection se présente essentiellement comme une pneumopathie, tandis que les localisations extra-pulmonaires sont rares. Cet ascomycète a longtemps été considéré comme un protozoaire car il présente des caractères assez atypiques des champignons. Il ne différencie pas de mycélium et ne produit pas de mitospores. Il forme dans les poumons ce qu'on a appelé des kystes et qui sont en fait des asques contenant 8 ascospores. C'est un commensal vivant dans les poumons des mammifères et il n'est pas possible de le cultiver.

Les histoplasmoses.

Il s'agit de mycoses dues à Histoplasma capsulatum dont il existe deux variantes mais l'histoplasmose à petites formes, dont il est question ici, est la plus fréquente et la plus redoutable

Le mycète est un champignon dimorphique présent dans les sols enrichis en fientes d'oiseaux (pigeons, étourneaux, volailles, ...) et en guanos de chauves-souris. La contamination chez l'homme se fait par inhalation de spores aéroportées particulièrement abondantes dans les endroits confinés comme les grottes et galeries ou en zone rurale, (dans les fermes, silos, pigeonniers, élevages intensifs de volailles). Des spéléologues en sont régulièrement victimes d'où le nom de maladie des grottes données parfois à cette mycose. Il n'y a pas de contamination interhumaine.

Cette maladie pourrait être à l'origine du mythe de la malédiction des pyramides, qui toucha et provoqua la mort d'archéologues découvreurs du tombeau de Toutankhamon en 1923.