Ep. 1 - Introduction

Episode 1 - IntroductionInformations[1]

Les champignons (ou mycètes) sont des organismes forts discrets, assez mal connus du grand public. Certains constituent pourtant des menaces, par exemple pour la santé publique ou pour assurer la sécurité alimentaire, mais d'autres, au contraire, sont sources d'espoir pour atténuer les effets désastreux des changements climatiques, produire de nouvelles molécules d'intérêt thérapeutique, élaborer de nouvelles sources d'énergie ou encore aider à la remédiation des zones polluées. Cette ressource propose d'accéder à la compréhension de la biologie des champignons, de mieux appréhender leur diversité, leurs rôles fondamentaux dans la biosphère et les utilisations multiples pour l'Homme.

Rappels généraux sur les mycètes

Le règne des mycètes, aussi appelé Mycota, constitue un taxon regroupant des organismes eucaryotes appelés plus communément « champignons ». La mycologie est la science qui les étudie.

Des champignons, le grand public n'en connaît généralement que la partie visible, c'est-à-dire ces organes constituaient d'un pied et d'un chapeau et qui apparaissent le plus souvent dans les forêts à l'automne. Ces structures sont tellement visibles qu'on les appelle à elles-seules « champignons » dans le langage courant. Elles peuvent constituer un mêt recherché ou bien un poison particulièrement toxique pour l'Homme. Ces organes qui émergent du sol sont en fait des sortes de fruits, simples appareils reproducteurs qu'on appelle carpophore ou sporophore. Ils ne constituent que la partie émergée d'un organisme souterrain bien plus vaste invisible mais d'une infinie compexité. Le mycète se développe en toute discrétion dans le sol sous la forme de filaments microscopiques appelés mycélium.

Filaments et spores d'Aspergillus terreus observés en microscopie électronique (© T. Guillemette)

Il y a des centaines de millions d'années, ils ont commencé à coloniser les terres émergées en étant intimement associés aux végétaux, progressant dans les sols, ils ont lentement étendu leur royaume invisible. Leur grande capacité d'adaptation leur ont permis de survivre notamment aux grandes glaciations et de coloniser la plupart des milieux terrestres.

Ils sont microscopiques pourtant la biomasse des champignons est la plus importante de tous les organismes vivants. Leur taille et leur longévité sont très variées selon les espèces. Cependant, certains exemples témoignent de capacité hors du commun. Le plus grand mycélium connu est celui d'une Armillaire qui occuperait environ 9 km2 du sous-sol d'une forêt nord-américaine. Ce mycélium aurait au moins 2400 ans et pèserait plus de 600 tonnes. À juste titre, on a tendance à dire que les champignons sont présents partout sur la planète, dans l'air, sur terre ou au niveau des océans. Ainsi, certains résistent à un froid glacial ou à des chaleurs étouffantes, et font des déserts leur habitat. Certains sont aussi très habiles pour utiliser des aliments particulièrement originaux, que eux seuls ou presque sont capables d'utiliser. On connait l'exemple des champignons qui se nourrissent du bois, pourtant peu digeste. D'autres sont spécialisés dans la décomposition de la kératine trouvée dans les plumes, sabots, cornes ongles ou encore cheveux.

Pourquoi s'intéressait à ces organismes dénigrés et pas toujours à la mode. Il suffit de jeter un coup d'œil à divers rapports de sociétés savantes ainsi qu'à plusieurs publications scientifiques qui pointent toutes la nécessité d'amplifier l'étude de ces organismes. Il apparaît que les mycètes présentent des comportements ambivalents selon les espèces pouvant impacter négativement ou positivement l'Homme et les activités humaines.

Certains mycètes apparaissent comme des menaces, par exemple pour la santé publique ou pour assurer la sécurité alimentaire. Ils peuvent être à l'origine de pathologies chez les animaux et l'Homme. Certains sont carnivores et s'attaquent aux nématodes, aux insectes ou encore aux batraciens. Chez l'Homme, on désigne sous le terme générique de « mycoses » 3 grands types de maladies en fonction des tissus concernés. Elles peuvent être cutanées, sous-cutanées ou profondes. les 2 premières sont relativement banales et se traitent généralement aisément. En revanche, les mycoses profondes, plus rares, sont généralement liées à une déficience immunitaire des patients. Elles touchent des organes internes et sont très difficiles à éradiquer. Les champignons sont également responsables d'allergies. Mais les mycètes sont surtout de redoutables pathogènes de plantes. À eux seuls, ils sont à l'origine de près de 10 000 maladies sur les végétaux et occasionnent bien plus de pertes de récolte que les virus, insectes, bactéries réunis. À noter aussi que certains entrainent des dégradations des aliments et des matériaux. Ils s'attaquent à des objets tels que des manuscrits anciens des bibliothèques, des tableaux de maître ou des peintures rupestres. Certains, plus gourmands comme la mérule, peuvent s'attaquer à des maisons entières ou à des ouvrages en béton ou en pierre.

Mais ces aspects négatifs ne doivent pas masquer l'ensemble des avantages que procurent les mycètes. Sans qu'on le sache vraiment, les mycètes jouent en effet des rôles cruciaux dans les écosystèmes terrestres, notamment en assurant la décomposition de la matière organique issue d'organismes morts, c'est le saprophytisme ou le saprotrophisme, et le recyclage des nutriments. Leur qualité nutritive est également à relever : ce sont des aliments riches en protéines avec des arômes uniques. Ils sont aussi abondamment utilisés pour leur capacité de biotransformation des aliments. Certaines levures sont utilisées pour leur pouvoir fermenteur dans la fabrication du pain et des boissons, d'autres filamenteux peuvent aussi être utilisés pour l'affinage des fromages. La production de biocarburants tire profit des capacités fongiques à transformer des résidus végétaux et à produire de l'éthanol à partir de sucres.

Les champignons sont aussi connus pour être des chimistes virtuoses. Ils produisent ainsi une foisonnante palette de métabolites primaires et secondaires. On y trouve des molécules d'intérêt thérapeutique (antibiotiques, immunosupresseurs, anticholesterolémiques...), des enzymes d'intérêt industriel (cellulases, lipases, protéases...) ou encore des acides et alcaloides. L'agriculture peut aussi faire appel à eux notamment en tant que biopesticides. On applique sur les cultures des champignons ou leurs métabolites qui ont une action sur les parasites et ravageurs des plantes (tels que les insectes, nématodes ou encore d'autres champignons). Un dernier type d'application concerne la bioremédiation, c'est-à-dire l'utilisation de mycètes capables de dégrader ou détoxifier des polluants tels que des hydrocarbures, du mercure, des pesticides ou les polyuréthanes des plastiques.