Ep 3 - Principales caractéristiques fongiques (1/2)

Episode 3 - Principales caractéristiques fongiques (1/2)Informations[1]

Les mycètes sont des organismes à part et présentent des singularités biologiques et physiologiques. Ce sont tout d'abord des organismes eucaryotes et hétérotrophes. Rappelons aussi qu'ils adoptent un mode de nutrition de nature osmotrophe qui implique que les nutriments sont digérés à l'extérieur de l'organisme avant d'être absorbés dans les cellules fongiques sous forme soluble via des transporteurs membranaires. Seules de petites molécules (monomères) peuvent pénétrées à l'intérieur de la cellule via des transporteurs membranaires. Or, le plus souvent, les nutriments dans la nature sont disponibles au premier abord sous forme de molécules complexe (polymères). Ces polymères sont abondants et représentent un énorme réservoir d'énergie pour qui sait les digérer. Une conséquence de l'osmotrophie est que les mycètes ont au cours de leur évolution acquis des mécanismes enzymatiques leur permettant de digérer des matières nutritives les plus récalcitrantes. Ils disposent ainsi d'un appareil de sécrétion très performant pour produire toute une gamme d'enzymes avec de forts rendements puis de les sécréter.

Certains mycètes possèdent ainsi la capacité de synthétiser diverses enzymes lignocellulolytiques qui sont impliquées dans ce processus de dégradation de la matière végétale. Beaucoup de produits animaux sont aussi constitués de polymères assez coriace mais néanmoins attaquables par certains mycètes: c'est le cas des carapaces des invertébrés qui contiennent de la chitine digérées par des chitinases fongiques ou encore des os et phanères des vertébrés constitués de kératine. Les champignons filamenteux dits dermatophytes ont par exemple une affinité toute particulière pour la kératine. Dans la nature, on les retrouve généralement associés aux animaux mais peuvent provoquer des mycoses superficielles chez l'homme. Des champignons possèdent aussi la capacité biochimique et écologique de dégrader les produits chimiques organiques de l'environnement et notamment certains polluants (métaux, hydrocarbures et radionucléides).

Un quatrième critère assez caractéristique des mycètes réside dans l'apparence de leur corps ou appareil végétatif qui est la plupart du temps de nature filamenteuse. Le succès évolutif des mycètes doit beaucoup à son appareil végétatif, le mycélium, qui est constitué par des filaments appelés hyphes, capables d'envahir le substrat et d'y pénétrer. La cellule fongique présente un mode de division très particulier: contrairement aux cellules animales ou végétales, elle ne se divise pas à proprement parler. Elle s'allonge par son apex, les noyaux se multiplient et des cloisons peuvent apparaitre plus ou moins régulièrement. La germination d'une spore va se traduire par la production d'un premier filament appelé « tube germinatif ». Ce dernier va croitre pour devenir une hyphe qui va se ramifier pour former de nouvelles hyphes...et constituer ainsi un mycélium à croissance centrifuge. On parle de croissance polarisée. La partie au centre de la colonie est la plus âgée et la partie externe est la plus jeune. Cette organisation permet de mobiliser des réserves et de les transporter vers d'autres régions distantes de la colonie (ce que ne font pas les organismes unicellulaires comme les bactéries et levures). Cela offre donc aux mycètes filamenteux la possibilité d'explorer des surfaces importantes de substrats sans être freiner par un épuisement local des nutriments.

Au cours de sa croissance, l'hyphe peut donc édifer des cloisons (appelées septa ou septum au singulier) qui vont délimiter des compartiments plus ou moins longs et contenant un nombre variable de noyaux. Chez les champignons inférieurs, les cloisons sont rares, complètement fermées et les cellules sont donc de grande taille contenant plusieurs dizaines de noyaux.

Thalle filamenteux du champignon Alternaria brassicicola. Les filaments se sont formés à partir de la spore et évoluent de façon polariséeInformations[2]

Chez les champignons supérieurs, les cloisons sont nombreuses et percées d'un pore central permettant les échanges de nutriments et d'organites cellulaires. Chez les mycètes supérieurs, au sein d'une même hyphe, on peut ainsi identifier 3 zones présentant des métabolismes différenciés. Tout d'abord, dans la partie la plus distale se trouvent les cellules les plus âgées qui se démarquent par des vacuoles imposantes et des pores qui s'obturent complètement. Le métabolisme dans cette zone est plutôt orienté vers le catabolisme et la production de métabolites secondaires. À l'opposée, au niveau de l'apex, les cellules sont les plus jeunes et ont un métabolisme orienté vers l'anabolisme. Ces cellules doivent s'allonger et édifier des parois au fur à mesure de la croissance. Cela nécessite la présence massive de mitochondries généralement hypertrophiées permettant la respiration et donc la production d'énergie. Ces mitochondries peuvent provenir de la zone de croissance périphérique située en amont. Outre les mitochondries, d'autres types de matériel cellulaire sont échangés depuis des régions plus âgées jusqu'à l'apex. C'est le cas par exemple des vésicules d'exocytose qui sont chargées en enzymes nécessaires à la synthèse de la paroi et nécessaire à la dégradation des substances carbonées complexes situés dans le milieu, et à partir desquelles le mycète va se nourrir en grande partie. Ces vésicules sont acheminées par le cytosquelette qui forme des espèces de rail et elles vont s'accumuler au niveau de l'apex pour former ce qu'on appelle le spitzenkorper. Ces vésicules vont ensuite subir l'exocytose et leur contenu va être sécrété dans le milieu extérieur.

Sur milieu gélosé, les mycètes présentent des aspects morphologiques très contrastés (couleur et texture du mycélium par exemeple) selon les genres et les espèces et ces disparités participent à leur identification. Dans certains cas, il est même possible d'observer des morphologiess différentes du même champignon lorsque celui-ci est positionné sur des milieux différents, ce qui révèle la plasticité phénotypique de ces

organismes.

Exemple de colonies fongiques présentant des morphologies contrastéesInformations[3]

L'appareil végétatif a subi de fortes modifications au cours de l'évolution. Chez les champignons inférieurs, le thalle ne se présente pas souvent sous forme d'hyphes mais plutôt sous une forme ancestrale appelée « rhizoides ». Les rhizoïdes sont similaires aux hyphes en ce sens qu'ils sont tous deux filamenteux et peuvent se ramifier fortement dans leur quête de colonisation des substrats et d'absorption des nutriments. Cependant, contrairement aux hyphes, les rhizoïdes ne contiennent pas de noyaux et leur croissance est déterminée. D'autre part, il semble qu'une étape décisive franchit par les champignons supérieurs a été le gain de leur capacité d'effectuer des fusions entre des cellules d'hyphes distinctes. Ce processus est appelé « anastomose » et aurait participé à l'élaboration des structure pluricellulaires, telles que les fructifications ou sporophores, bien visibles à l'automne et réprésentatives de mycètes les plus évolués.

Le thalle levuroide fait figure d'exception au sein des mycètes. Il ne concerne que quelques milliers d'espèces capables de croître sous forme de cellules séparées. Ce sont donc des organismes unicellulaires, généralement ovoïdes et pouvant former des colonies sur milieu solides au même titre que les bactéries. Durant leur cycle de vie, les levures se reproduisent essentiellement par bourgeonnement (il s'agit de reproduction asexuée par mitose). La cellule gonfle et en un point ou deux, et fait apparaître un petit bourgeon. Au fur et à mesure de la croissance de la cellule fille, la cellule mère se duplique puis sépare son ADN. Le noyau se divise et migre dans la cellule fille. Une fois que le bourgeon contient un noyau et atteint une certaine taille, il se sépare de la cellule mère. Ces levures sont aussi bien connues et exploitées pour leur capacité à faire de la fermentation. Certaines espèces, assez rares, sont dits dimorphiques: elles ont la capacité de se multiplier sous forme unicellulaire (dite levure) mais aussi, sous certaines conditions (changement de température en particulier) de développer des hyphes rudimentaires, appelées pseudohyphes ou fausses hyphes.